La refondation de la filière bois suppose au préalable que l’ensemble des acteurs de la filière bois se retrouve – sous l’égide du ministre de l’Agriculture – autour d’une même table. Tribune de David Caillouel, président du Syndicat des exploitants de la filière bois.
Le pacte chêne devant être renouvelé, les principaux acteurs de la filière bois se sont réunis le 17 février 2023 en visioconférence – à l’exception des exploitants forestiers que nous représentons, toujours exclus, alors que nous mobilisons 600 000 m3 de chêne par an (soit environ 30 % de la récolte française de bois d’œuvre de cette essence).
Si la stratégie réaffirmée par le ministre de l’Agriculture tient en deux mots, « contractualisation » et « label UE »*, faut-il encore, pour que celle-ci passe du vœu à la réalité, que tous les acteurs susceptibles de contractualiser puissent avoir un accès à l’ensemble de la récolte de chêne et qu’existe – comme nous le proposons – un label UE par lot, applicable aussi bien aux forêts publiques que privées.
La contractualisation pour refonder la filière bois
La contractualisation est, en effet, la pierre angulaire de la refondation de la filière bois – elle a fait l’objet en 2022, à la demande du ministre de l’Agriculture, d’un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) – et son développement représente pour le Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB) une priorité.
Pour être crédible, la contractualisation doit s’appliquer à tous les maillons de notre filière et constituer le « fil rouge » des relations commerciales à venir :
– contractualisation d’abord entre entrepreneurs de travaux forestiers et exploitants forestiers, pour garantir à nos bûcherons, sur la durée, un volume de travail assuré leur permettant d’investir dans des matériels de chantier écologiques et performants ;
– contractualisation ensuite entre scieurs-transformateurs et industriels-transformateurs, afin que ceux-ci trouvent en France les produits semi-finis entrant dans la fabrication de leurs meubles ou leurs chantiers de construction. Cette contractualisation contribuera ainsi à diminuer les importations en provenance d’Espagne, d’Italie ou des pays nordiques, des composants dont ils ont besoin ; ce qui réduira le déficit de 8,6 milliards d’euros de la balance commerciale de la filière bois ;
– contractualisation enfin entre exploitants forestiers et scieurs transformateurs, en vue d’approvisionner les petites et moyennes scieries actuellement exclues des contrats d’approvisionnement ONF, réservés essentiellement aux gros scieurs disposant d’une surface financière suffisante.
Dans la mesure où les propriétés forestières privées sont trop morcelées, avec des surfaces trop réduites pour contractualiser, et les experts non-détenteurs de la ressource n’étant pas en mesure, de par leur statut, de contractualiser le bois, les exploitants forestiers-négociants, en ayant accès aux contrats d’approvisionnement ONF et à l’ensemble de la récolte de chêne issue des forêts privées, pourront jouer ce rôle-clé qui est l’essence même de notre métier.
Approvisionner en chêne les petites et moyennes scieries
Pour contractualiser avec les transformateurs de bois, nous devons pouvoir participer aux ventes labellisées des chênes issus des forêts privées. Or, l’accès à ces ventes est réservé actuellement aux seuls détenteurs d’un label dit APECF dont les engagements englobent la totalité des approvisionnements en chêne de l’entreprise acheteuse.
Dans un souci de simplification, le SEFB propose la création immédiate d’un label unique par lot, applicable aussi bien aux ventes labellisées des forêts publiques et privées, qui reprendrait – à l’exception de son article 2 qui renvoie au label APECF – les engagements contenus dans le nouveau label ONF, avec en complément la mise en place d’une traçabilité irréprochable des bois achetés et vendus (à l’instar des labels PEFC ou FSC), sous le contrôle d’un organisme paritaire et indépendant.
Ce label UE unique par lot sera triplement bénéfique pour la filière bois :
– il augmentera le nombre d’acheteurs français dans les ventes publiques des forêts privées, contribuera à optimiser par contre-coup la valorisation de la récolte de chêne et entraînera – en raison d’une garantie de prix élevée – une augmentation des volumes récoltés ;
– il garantira aux exploitants forestiers-négociants un volume consistant, leur permettant de disposer d’une capacité suffisante pour approvisionner en chêne, dans la durée, les petites et moyennes scieries de proximité ;
– il cantonnera un éventuel export des grumes de chêne (notamment les qualités secondaires délaissées par les scieurs) à une variable d’ajustement entre l’offre et les besoins des scieurs français.
Cette indispensable refondation suppose au préalable que l’ensemble des acteurs de la filière bois se retrouve – sous l’égide du ministre de l’Agriculture – autour d’une même table, cette fois sans aucune exclusion.
David Caillouel, président du SEFB
* Si le nouveau « label UE », instauré le 16 mars 2022 par l’Office national des forêts (ONF), engage l’acheteur à transformer ou faire transformer sur le territoire européen uniquement les lots de chêne labellisés achetés à l’ONF, a contrario l’ancien « label UE » de l’ONF – annulé le 2 juillet 2021 par le Conseil d’État car « contraire à la liberté de commercer et d’entreprendre » – et encore utilisé, aujourd’hui, sous la dénomination de « label APECF » oblige l’acheteur à transformer ou à faire transformer sur le territoire européen l’ensemble de ses approvisionnements, aussi bien les chênes issus des forêts publiques que privées.