Harpie chassée de la Forêt de Rambouillet. Anonyme, dessinateur-lithographe. Vers 1830. CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
Harpie chassée de la Forêt de Rambouillet. Anonyme, dessinateur-lithographe. Vers 1830. CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet

Avis de gros temps sur la forêt et le bois

 

Qui se souvient de la météo marine sur France Inter après le journal de 20h ? Pour un petit Breton comme moi, c’était important et ça faisait rêver. « Avis de tempête en cours et pour les jours à venir sur toutes les zones de la mer du Nord, de la Manche et de l’Atlantique. » Quand on entendait ça, ce n’était pas bon du tout. Ma mère se dépêchait de rentrer le linge et mon père faisait le tour des hangars et du jardin pour vérifier que rien ne traînait.

Je lis ces dernier temps la presse forestière, et le dernier éditorial d’Antoine d’Amécourt* entre autres, et j’ai l’impression de me retrouver à écouter la météo marine de mon enfance : avis de gros temps généralisé.

Le marché du bois joue aux montagnes russes, les épicéas scolytés ne valent plus rien, le prix du chêne semble repartir vers des sommets. Comme partout, les charpentiers et les menuisiers de Chalosse sont en rupture de stock de matériau et on nous explique que c’est lié aux oukases passés de Monsieur Trump contre le Canada et à la diplomatie de Monsieur Poutine vis-à-vis de son voisin chinois. Les Chinois, justement, à ce qu’on dit, on les voit partout en forêts par traders interposés.

Sur le front des problèmes sanitaires, le débarquement des nouvelles bestioles à misère continue : ici, une cécidomyie sur le douglas, là une punaise défoliatrice sur le chêne. À ce rythme-là, il n’y aura bientôt plus aucune essence sans au moins une épée de Damoclès sanitaire sur la tête.

Et bien sûr dans ce paysage de la météo forestière, les impacts du changement climatique, ainsi récemment encore sur les sapins pectinés qui perdent leurs aiguilles en forêt d’Écouves, et les évolutions continuent à déverser leurs processions de perturbations, avec la régularité des bourrasques d’un mois de janvier en Bretagne.

Bref, tous les vents semblent s’être mis à souffler sur la forêt, les forestiers et la filière forêt-bois. Rien d’étonnant dans un monde en mutation rapide, ce qui nous arrive n’en est que l’écho et la conséquence. Cela fait bien longtemps que la forêt est au bout du jardin des hommes. Comme le temps n’a pas l’air parti pour s’arranger, il reste aux forestiers et aux entrepreneurs de la filière à mettre le ciré (les bottes, ils les ont déjà) et à se faire capitaines de bateaux dans la tempête. Et aux armateurs dans les hautes sphères de mettre en œuvre l’assistance nécessaire pour qu’au plus près du terrain ces capitaines puissent avoir les moyens de tenir le cap avec l’appui de la société toute entière.

Hervé Le Bouler

* « Le juste prix du chêne », par Antoine d’Amécourt (président de la fédération de propriétaires forestiers privés Fransylva), Forêts de France n° 644, juin 2021.


La rubrique Charpente et racines,
À la rencontre des forêts de France, de ses femmes et de ses hommes.
La charpente et les racines, ce sont les branches charpentières de l’arbre, le bois et le patrimoine, l’ancrage.