Le ministre de Rugy rugit et tweete présentant la pionnière et ambitieuse stratégie de lutte contre l’importation de la déforestation (prévue par le plan climat). L’enjeu n’est plus simplement de lutter contre la déforestation mais de faire rempart à cette déforestation qui est là, à nos portes. Fini, les biscuits Oreo, tous au régime ! L’ennemi avance, et il va en effet en falloir de l’ambition car, en décortiquant les lois de finances, on s’aperçoit que ce dernier serait même à l’intérieur du système (ou comment l’État vit-il lui-même de la déforestation ?) !
Déforestation, défrichement : déchiffrons
Selon la FAO*, la déforestation est définie comme « la conversion de la forêt à une autre utilisation des terres ou la réduction à long terme du couvert arboré au-dessous du seuil minimal de dix pour cent ».
Et on peut aisément l’assimiler au défrichement qui a, selon le Code forestier, pour objet toute opération volontaire ou involontaire ayant pour effet de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière (article L341-1).
Comment est sanctuarisé ce défrichement ?
Il faut tout d’abord noter que, dans sa grandeur, la Nation doit sauvegarder les forêts, bois et arbres (article L.112-1 du Code forestier), et le reboisement est même reconnu d’intérêt général. Ce rôle est bien tenu si l’on s’en tient à l’accroissement naturel en surface de la forêt française.
Ceci étant dit, tout n’est pas sous cloche : un détenteur de terrain forestier peut réaliser une opération de défrichement, sus-définie. Pour répondre à sa mission de grand protecteur devant l’Éternel de la surface terrienne boisée, l’État prévoit que ce propriétaire peut défricher une parcelle en en boisant ou reboisant une autre (article L. 341-6 du Code forestier). Mais, si le propriétaire ne peut pas faire pousser des arbres, il doit s’acquitter d’une indemnité d’un montant équivalent : la « taxe défrichement ».
On avait tout traité, à part les sous, maintenant on va parler sous
Avec un taux variable selon les départements, la taxe doit être versée à « montant équivalent » vers le fonds stratégique forêt-bois (FSFB). Ce montant équivalent est défini par un « calcul spécialement pré-fait » : surface défrichée en hectares × coefficient multiplicateur × (coût moyen de mise à disposition du foncier en €/ha + coût moyen d’un boisement en €/ha, arrondi à l’euro près).
Après cette simple formule, le défricheur est lavé ! Son argent, marqué à la culotte sur un « compte budgétaire 461683 – Indemnités de défrichement » et versé au FSFB, servira au financement de projets d’investissements, prioritairement en forêt, ainsi qu’à des actions de recherche, de développement et d'innovation, et selon les sacro-saints principes généraux de l’article L112-1 du code forestier déjà évoqués, dont nous épargnerons au lecteur la relecture. À ce point de l’histoire, les choses ne sont certes pas très jolies-jolies pour les passionnés du couvert forestier, mais sous couvert de telles indulgences, à tout le moins les fonds collectés restaient aux questions forestières affectées.
Défricher rend l’État riche !
Et badaboum, c’est là que le bât blesse, l’État ce cabot vient passer son rabot (et rien à voir avec les rabots de la filière bois). Sous l’effet de l’article 46 de la loi de finances 2012 n° 2011-1977, le produit de cette taxe dépassant 2 millions d’euros est reversé au budget général de l’État. Ainsi, plus des tas de personnes défrichent, plus l’État en personne est riche !
Selon nos antennes de papillons dans une réunion où tous ces professionnels piaillaient, ce grand détournement représente plus de 2 millions d’euros. Alors, on veut bien s’émouvoir de l’importation de la déforestation. Mais, l’ennemi est bien passé à l’intérieur !
La Grive des bois, plume légère et satirique de la forêt et du bois
* FAO : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.