Le chêne offert par le président Emmanuel Macron au président Donald Trump est mort. Pouvait-il en être autrement ? À la confluence du 4 juillet et du 14 juillet 2019, fêtes nationales respectivement états-unienne et française, la Grive s’est intéressée à cet arbre qui, à l’aube de sa jeunesse, fit une apparition éphémère à la Maison Blanche ; et également au chêne dans une consultation de la Commission européenne, qui faillit passer inaperçue.
L’arbre, un symbole mais lequel ?
L’image était belle ce 23 avril 2018 : pendant que Mesdames approchaient avec élégance les sommets de leurs escarpins chaussées, Messieurs creusaient. On ne sait s’il s’agissait d’approfondir les relations diplomatiques ou de mettre ces dernières dans une tombe. En réalité, on plantait un chêne sessile, Quercus petraea pour les intimes, extirpé des abords de la forêt de Belleau (Aisne) où périrent 2 000 soldats américains en 1918 d’après le ministère français des Armées… ou 9 000 selon la Maison Blanche.
Le symbole, la photo, étaient beaux donc, mais plusieurs indices laissaient à deviner l’issue de la mascarade. L’approximation tout d’abord du nombre de « tombés au champ d’honneur ». Ensuite, la localisation de la plantation, à deux pas d’un lieu servant d’héliport au Marine One : pas pratique pour faire atterrir l’engin si tous les cadeaux diplomatiques venaient à y prendre place. Enfin, pourquoi l’arbre a-t-il disparu quelques jours après la plantation ? En résumé, n’aurait-on pas pris la presse pour une bille (de chêne) ?
Quoiqu’il en soit, au mois de juin 2019, près d’un an après cette plantation, et en pleines célébrations du débarquement anglo-américain en Normandie, la dure réalité tombait. Sans cors de l’ONF*, sans cri, ni trompettes de la mort : le petit chêne n’était plus. Mais pourquoi ? La rédaction de Forestopic a enquêté et interrogé : la Maison Blanche a botté en touche. Quant au président Macron, il a déclaré à Radio Télévision Suisse (RTS) qu’un nouvel arbre serait offert ; « le symbole, c’était de le planter ensemble », a-t-il poursuivi. Et effectivement, coté symbole, les relations diplomatiques des deux pays sont biens plantées, mais cela n’est pas un scoop.
La quarantaine mise en quarantaine
En revanche, cet épisode met en lumière la quarantaine et son intérêt. On ne parle pas des quarante années du président de la République française (dignement fêtées dans le domaine de Chambord), mais du confinement officiel de végétaux ou de produits végétaux soumis à la réglementation phytosanitaire, pour contrôle et recherche, ou pour inspection, voire analyses ou traitements ultérieurs. Cette procédure permet l’observation des végétaux, afin d’éviter l’importation de maladies ou organismes nuisibles, dits « de quarantaine » sur le territoire d’un pays.
Et à en croire le site du département fédéral de l’Agriculture, le French oak n’aurait jamais dû entrer sur le territoire des États-Unis d’Amérique, ni même attendre les 2 ans de la fameuse quarantaine, celle-là même venue justifier de manière opportune le déracinement de l’arbre, loin des caméras ! Silence radio de la White House vers qui, sur ce point, la rédaction de Forestopic s’est tournée. Qui creuse une question, finit par lever le lièvre.
La méfiance est de tout bord. En effet, sur le Vieux Continent, une récente consultation de la Commission européenne a permis de s’offusquer de l’absence de Bretziella fagacearum, parmi un projet de liste des organismes de quarantaine prioritaires pour les végétaux importés dans l’Union européenne. En effet, plusieurs témoins mettent en garde contre ce pathogène qui est responsable de la maladie du « flétrissement américain du chêne » et représente une menace pour les chênaies françaises. Un billet se revendiquant du ministère français de l’Agriculture illustre même des cas de figure improbables :
« En effet, des voyageurs par exemple sont tout à fait susceptibles d’introduire dans leurs bagages du matériel végétal ne respectant pas la réglementation européenne. Il y a un monde entre la théorie et la pratique, et mieux vaut parer à toute éventualité. »
Rassurons-nous, en théorie ces choses-là ne peuvent pratiquement pas arriver à nos chefs d’État…
Que les relations franco-américaines aient du mal à débourrer est une chose. Que techniquement et sanitairement, le chêne de Belleau ne soit pas autorisé, selon la politique outre-Atlantique, à pénétrer le sol américain et encore moins à y prendre racine… Là, on frôle le Quercus Gate ! Mais comme dans beaucoup de polars (même forestiers), le chêne a finalement bien fait de mourir : il en savait trop.
La Grive des bois, plume légère et satirique de la forêt et du bois
* Office national des forêts.