Après que des scolytes aient séjourné dans un épicéa, d’autres insectes peuvent se faire entendre dans cet arbre forestier.
L’épidémie de scolytes bat son plein dans l’Est de la France. Ces coléoptères creusent des galeries, sous l’écorce des épicéas, et mettent les arbres en péril. Après leur passage, Forestopic a observé dans des arbres sur pied, en Haute-Savoie (Auvergne-Rhône-Alpes), des grincements percutés émanant des troncs, et en a tiré un enregistrement sonore (daté du 10 août 2020).
Le son se fait entendre de manière intermittente, à toute heure, nuit et jour. De façon concomitante, de fins copeaux de sciure tombent en pluie au pied de l’arbre.
Selon l’entomologue Benoît Dodelin, « il s’agit du bruit des larves de capricorne, le genre Tetropium, probablement T. castaneum, l’espèce la plus commune ». Un phénomène classique, souligne-t-il :
« Les débris de bois et l’aspect de l’arbre sont caractéristiques. Les larves de capricorne rongent le bois pour rentrer dans l’aubier où elles font des galeries en point d’interrogation. Cela n’empêche pas qu’il y ait des scolytes sous les écorces de cet arbre, mais ce n’est pas eux que l’on entend. À ce stade d’évolution du tronc, ils sont déjà massivement partis. Les Tetropium se développent en 1 an, les scolytes (Ips typographus ici) en 3 mois. Sur l’écorce, on voit des petits trous de scolytes. Des pics sont venus faire leur marché en enlevant des écailles d’écorce, mais sans enlever toute l’écorce. Les Tetropium sont dans le bois et, quand ils vont sortir, tout va sécher et l’écorce va tomber par plaques. »
Le capricorne de l’épicéa du genre Tetropium constitue une espèce d’insecte indigène et répandue en France, complète le département de la Santé des forêts :
« C’est un parasite secondaire s’attaquant aux arbres mourants ou morts. Ce n’est donc pas un problème pour la santé des forêts et, à ce titre, le capricorne de l’épicéa est très différent du scolyte typographe. »
Quant au scolyte de l’épicéa, sa présence en Haute-Savoie (comme en Savoie) suscite aujourd’hui moins d’inquiétude que dans le Grand Est ou en Bourgogne-Franche-Comté. Elle remonte à la période post-tempêtes de 1999, estime Lionel Piet, directeur général de la coopérative forestière Coforet :
« Les deux Savoie, depuis 20 ans, connaissent des attaques de scolytes à répétition, dans une situation plutôt endémique qu’elles maîtrisent assez bien en termes sanitaires et en matière de débouchés pour le bois. »
Néanmoins, Juliette Dané, du service scientifique et technique d’Asters-Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie, constate des « attaques de plus en plus importantes » de scolytes dans le département. Elle commente :
« À court terme, cela peut avoir certains effets intéressants sur la biodiversité en favorisant la régénérescence du sous-bois, et faciliter la chasse de rapaces comme les petites chouettes de montagne. Mais à long terme, les épicéas semblent vraiment très vulnérables sur les faces sud. »
Ailleurs dans l’est de la France, le scolyte provoque des bouleversements pour l’économie de la filière forêt-bois.
Chrystelle Carroy/Forestopic