Les élections municipales sont inscrites au calendrier politique de mars 2020. Plusieurs acteurs de la forêt et du bois s’investissent pour devenir les édiles de ces collectivités de proximité. La forêt, le bois et les arbres sont-ils pour autant mis en avant dans leurs communes ? Et ailleurs ?
Les professionnels de la politique
Dans la filière forêt-bois française, qui dit « élu », dit rapidement « communes forestières »... mais pas seulement ! Car effectivement, le premier d’entre eux, Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières, est candidat à sa succession à Rochefort-Montagne (Puy-de-Dôme) avec la liste « Rochefort envies ».
Dans leurs envies territoriales, d’autres élus professionnels ont vu leurs ailes coupées. Ainsi en est-il de l’ex-sénateur, le ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation (mais aussi de la forêt), Didier Guillaume, afin de prévenir tout atterrissage mouvementé à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
Un élu, régional cette fois, brigue Château-Chinon (Nièvre) : Sylvain Mathieu. Cette commune est dotée de 128 hectares de forêt. Le scrutin du 15 mars 2020 nous dira (et celui du second tour si nécessaire) si le passé forestier du candidat aura fait office de bonus électoral pour le président du parc naturel régional du Morvan. Dans la génération plus « vieux Morvan », Jean-Yves Caullet, président de l’ONF*, remet sa candidature aux suffrages dans la commune d’Avallon (Yonne).
La politique par les professionnels
Les « professionnels » de la politique ne sont pas les seuls à briguer la magistrature communale suprême.
Frédéric Naudet, dirigeant d’entreprise éponyme et président de l’Unep* Reboiseur, se représente au conseil municipal de Leuglay (Côte-d’Or) ; Bertrand Servois, président des coopératives forestières de l’UCFF* et vice-président de l’interprofession France Bois Forêt, est candidat à Beffes, dans le Cher. Rien de neuf non plus dans la ville de Christine de Neuville, présidente de PEFC France, qui compte rempiler pour un quatrième mandat, à Vicq-sur-Breuilh (Haute-Vienne). Itou pour Antoine d’Amécourt, président du CNPF* et de Fransylva, qui n’est pas qu’à moitié chaud défendre sa position dans la commune d’Avoise (Sarthe) peuplée de 612 âmes ; « maire » est d’ailleurs une fonction qui est devenue, selon nos confrères de Ouest France, « une histoire de famille ».
Jusqu’alors conseiller municipal, le président de la fédération des entrepreneurs des territoires FNEDT, Gérard Napias, brigue la place de maire à Lit-et-Mixe (Landes). En revanche, même si la liste de Thierry Cousin s’intitule « Agir pour Saint-Pryvé – Continuons ensemble », Michel Druilhe n’y continuera pas « ensemble » son mandat comme conseiller municipal. Le maire de Saint-Pryvé-Saint-Mesmin (Loiret) se privera donc du président de France Bois Forêt.
« Ensemble on va plus loin, seul on va plus vite », rappelle sur son compte Twitter Freddy Riffaud ; le responsable des réseaux et télécommunications du scieur Piveteaubois en Vendée a eu la joie (et c’est désormais une obligation réglementaire municipale) de se déclarer candidat aux Essarts-en-Bocage.
La commune de Mandailles-Saint-Julien (Cantal) pourrait avoir trouvé l’élu en la personne d’un ancien directeur de Fransylva : Luc Bouvarel.
Qu’on pense que ces candidatures forestières ne sont l’apanage que des petites communes, on se trompe ! Par exemple, Jean-Louis Louvel, dirigeant du groupe PGS et ancien trésorier de France Bois Forêt, est candidat à la mairie de Rouen, soutenu par « La République en marche ». Le roi de la palette est également président du club de rugby local, structure ovalistique qui, au passage, se targue d’être neutre en carbone dans ses déplacements terrestres grâce à Reforest’Action. Rien de tel que ses quinze gaillards pour préparer le terrain de plantations forestières.
Beaucoup de citoyens « forestiers – bois », les programmes politiques s’intéressent-ils aux sujets forêts-bois ?
Avec seize signataires à 7 jours du scrutin, quelle empreinte laissera « le pacte Zéro empreinte forêt » de l’association All4trees ? La forêt et le bois sont-ils éloignés des préoccupations des candidats ? Que nenni ! Ce serait plus que de la langue de bois que de prétendre avoir épluché les programmes des 20 765 listes et les professions de foi des 902 465 candidats. Cependant, l’idée de planter des arbres, voire des forêts entières, retient clairement l’attention d’un grand nombre d’entre eux.
Des plantations d’arbres…
À Toulouse, le candidat Jean-Luc Moudenc propose de planter 100 000 arbres d’ici à 2030, une date qui, au passage, dépasse le mandat municipal de 6 ans ! Le castrais Guillaume Arcese propose d’en planter 40 000. Dans une ville de la métropole bordelaise, une liste se dénomme même « Aux arbres citoyens ! », une expression qui par ailleurs devient un slogan politique. À Lyon, le candidat écologiste Grégory Doucet veut devenir le primat des gaulis en plantant des arbres, voire des forêts, sur les sites tels que la place Bellecour, le parc Blandan, les berges du Rhône. À Nantes, Laurence Garnier, candidate « Les Républicains », spécule à 110 000 arbres plantés. À noter également, l’idée de la liste « En Marche » de Grenoble, qui souhaite initier la construction de deux « tours forêts » sur lesquelles 20 000 arbres seraient installés. Voilà qui tranche avec l’ultra minérale tour Perret !
… à la création de forêts urbaines
Vingt mille arbres, c’est le nombre d’arbres plantés à Paris par Anne Hidalgo entre 2014 et 2019, candidate sortante qui rentre dans le sujet en lâchant le concept de « forêt urbaine », faisant aussi des émules chez Gilles Déterville à Caen, chez Mathieu Klein à Nancy. Anne Hidalgo prévoit d’organiser le parrainage d’un arbre planté pour chaque naissance de Parisien (soit environ 170 000 arbres en 6 ans). À l’inverse, Agnès Buzyn a abandonné l’idée d’un « Central Park parisien » (qu’envisage pour sa part Sébastien Barles à Marseille). La troisième voie serait un « troisième bois » (après Boulogne et Vincennes) proposé dans le quartier de Bercy par le candidat écologiste David Belliard. Quant au candidat Cédric Villani, pas de proposition connue en la matière pour Paris ; il est toutefois convoqué par les chercheurs de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de Clermont-Ferrand pour résoudre une équation d’aménagement urbain.
Pour ce seul panorama arboré non exhaustif, près de 450 000 arbres viendraient recouvrir les villes de l’Hexagone, sans compter les « forêts » promises. Les municipalités de demain embaucheront-elles les mercenaires verts dijonnais (cf. reportage de France 3 sur Plantation Rébellion) ?
Est-ce que ces pro(messes)grammes plus verts que verts ont des chances d’aboutir ?
Quelles sont au final les prérogatives des communes en matière forêt-bois ? Le panel est large et il ne se juge pas exclusivement avec l’approche « forêt-bois ».
- En matière forestière, rappelons que les communes qui sont propriétaires de forêts sont soumises au « régime forestier » et sont tenues de gérer et d’exploiter durablement leur bois par un opérateur de choix… parmi un choix unique : l’ONF. La commune encaisse le montant des produits forestiers valorisés, par l’intermédiaire de la direction générale des Finances publiques. Dans certaines communes, le conseil municipal gère le droit d’affouage, voire des singularités territoriales, comme l’illustrent les combats de l’Association de défense des droits d’usage et de la forêt usagère en Gironde (Addufu).
- Sur une échelle plus large, plusieurs communes peuvent initier une concertation d’aménagement forestier à travers une charte forestière territoriale.
- En matière de sécurité, les maires doivent garantir la protection et la prévention des biens et des personnes, et se soucier notamment du respect auprès des concitoyens de l’obligation légale de débroussaillage pour la lutte contre l’incendie.
- En matière de préservation des espaces forestiers, la collectivité qui porte le plan local d’urbanisme (PLU ou PLUi) a notamment la possibilité d’identifier des espaces boisés et classer les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer qu’ils relèvent ou non du régime forestier, ou même des arbres isolés, haies ou réseaux de haies ou plantations d’arbres d’alignements. Ce classement dit EBC (pour « espace boisé classé ») interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol qui pourrait compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements (articles L113-1 et L113-2 du Code de l’urbanisme).
- Enfin, les communes peuvent mettre en place une politique volontariste dans l’utilisation du matériau bois par la commande publique de construction ou de chauffage collectif bois. La fédération des communes forestières lui a d’ailleurs dédié un programme : « 100 constructions publiques en bois local ».
Également, la Dreal* du Centre-Val-de-Loire a résumé les moyens à disposition des collectivités locales pour intégrer du matériau biosourcé dans les marchés publics.
Ainsi, une forêt de ressortissants forestiers-bois s’investissent dans la sphère politique locale, connaisseurs d’un sujet qui semble attirer bon nombre de concitoyens. Les prérogatives en matière forêt et de bois, pour les élus locaux, sont nombreuses, mais encore faut-il les faire valoir.
La Grive, qui prend sa retraite, aura le loisir d’observer lors de ces 6 prochaines années comment se seront traduits toutes ces ambitions et programmes !
La Grive des bois, plume légère et satirique de la forêt et du bois
* CNPF : Centre national de la propriété forestière.
Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.
ONF : Office national des forêts.
UCFF : Union de la coopération forestière française.
Unep : Union nationale des entreprises du paysage.