Il se pourrait bien que les Assises de la forêt et du bois soient l’un de ces moments qui forcent le destin. Que faire de cette floraison massive de contributions aux portes de l’hiver, de cette glandée du siècle de propositions ?
Nous, les Gaulois, exerçons une sorte de fascination ironique sur nos voisins britanniques. Ils savent très bien mettre le doigt sur nos défauts : un État souvent considéré comme médiocre et un peuple débattant à l’infini de sujets futiles ou sérieux mais sans aucune efficacité pratique. Ils observent aussi que, de temps en temps, nous savons nous secouer et forcer le destin par des sortes d’éclairs de lucidité et d’efficacité que, dans notre modestie nationale bien connue, nous appelons le génie français.
Des contributions en masse aux Assises forêt-bois
Il se pourrait bien que les Assises de la forêt et du bois soient l’un de ces moments. Certes, l’État les a organisées en créant les incontournables groupes de travail avec présidents, animateurs, secrétariat et longs tunnels bavards où chacun vient vendre ses cravates. Le coup de génie est ailleurs : utilisant les ressources de l’intelligence collective et des technologies numériques de l’information, il a ouvert une sorte de tableau d’affichage des idées, où tout un chacun avec un minimum de cadrage et de méthode peut apporter sa contribution. C’est transparent, diffusé instantanément et surtout écrit et capitalisé.
Les peuplades et tribus forestières, manifestement interloquées et dubitatives, au début, s’en sont saisi massivement. Des dizaines et sans doute au final plusieurs centaines de contributions et propositions couvrent le tableau d’affichage. Il y en a tant qu’il devient très difficile de les lire toutes et encore plus de les digérer et de les traduire en perspectives d’action cohérentes.
Que faire de cette floraison massive aux portes de l’hiver, de cette glandée du siècle de propositions ?
Quelles mesures prendre à la hauteur des enjeux forestiers ?
L’État pourrait faire ce qu’il fait souvent : en confier la synthèse à quelques experts, la transmettre aux décideurs politiques qui feront une conférence de presse, prendront quelques mesures que la rigueur budgétaire leur autorisera et rangeront le tout dans le grand placard aux archives des grand-messes passées.
On peut faire différemment : il y a déjà sur la table l’excellente feuille de route pour l’adaptation des forêts au changement climatique, dont l’encre est à peine sèche ; gardons-la en y faisant rentrer les propositions des Assises, leur méthode et la richesse de ceux qui y ont participé. Transformons les Assises en assemblée constituante de la forêt française du futur. Cette façon de faire convient bien à notre culture collective, elle a montré son efficacité à plusieurs reprises dans notre histoire sur des sujets bien plus vastes, complexes et graves.
Cela ne suffira pas, dans l’urgence forestière actuelle, climatique, économique, écologique, sociétale ; dire le futur sans aller au-delà n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut déjà commencer à le faire. Il y a suffisamment de consensus sur certaines actions pour agir collectivement. Il y a déjà des initiatives sur le terrain, des émergences. Le manque réside dans leur dispersion, maladie de jeunesse. Les forêts sont diverses et elles ne voyagent pas. Agir au plus près des territoires est une évidence absolue. Agir avec les acteurs des territoires est aussi évident.
Lançons l’adaptation des forêts sur des territoires pilotes volontaires avec des moyens conséquents. Six à dix territoires de 10 000 à 30 000 hectares de forêts chacun avec un budget annuel de 5 à 6 millions d’euros par territoire et par an pendant dix ans.
Lisant cela, beaucoup vont tomber de leur chaise ou hausser les épaules. Impossible, illusoire, stupide : allez savoir ? Essayons au moins.