Cheville ouvrière de la filière forêt-bois, les entreprises de travaux forestiers sont confrontées à de nombreux défis, à la fois conjoncturels et structurels. Or, elles jouent un rôle crucial pour la structuration de la filière, d’autant plus dans un contexte de croissance des travaux à réaliser et des volumes à exploiter. Le point sur l'évolution de la profession et sur l’emploi de cette main d'œuvre notamment par les propriétaires forestiers.
Planter, reboiser, récolter, mobiliser le bois… Le travail en forêt revêt des prestations manuelles ou mécanisées, assurées majoritairement par les entreprises de travaux forestiers (ETF), qui réalisent 80 % des travaux de récolte et 70 % des travaux de sylviculture-reboisement en France. Aujourd’hui, selon la Fédération nationale des entrepreneurs du territoire (FNEDT), on décompte 6 800 entreprises de travaux forestiers pour 21 000 personnes, et 70 % de ces sociétés sont individuelles. La revue Forêts de France leur consacre un dossier dans son numéro d’octobre 2023.
Lourds investissements en machinerie d’exploitation, forte dépendance aux donneurs d’ordre, rémunération en fonction du volume de bois abattu ou débardé d’une grande variabilité, concurrence des travailleurs détachés… Les défis rencontrés par les ETF ne datent pas d’hier, et sont souvent cités comme source de précarité au sein de la profession. À cela s’ajoutent aujourd’hui le contexte du réchauffement climatique et des contraintes d’exploitation, ou encore la pression écologique qui va jusqu’à mettre en péril la bonne conduite de chantiers.
(Re)donner aux entreprises de travaux forestiers une place stratégique
De nombreuses pistes de réflexions sont en cours pour réduire la pression économique subie par les entreprises de travaux forestiers : revalorisation des prestations de travaux forestiers, visibilité sur les volumes à exploiter, allocation de financements publics…
C’est dans le même esprit que la « charte de vitalité économique et sociale des entreprises de travaux forestiers » a été cosignée en juin 2023, à l’occasion du salon Euroforest, par la FNEDT et la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR). L’objectif est de responsabiliser l’écosystème des ETF et les ETF elles-mêmes, pour assurer leur consolidation et leur pérennité, incontournables pour le bon renouvellement et l’entretien des forêts.
Les propriétaires forestiers, en tant que donneurs d’ordre potentiels, et juridiquement responsables de l’emploi de main d’œuvre en forêt, ont aussi un rôle à jouer pour asseoir le potentiel de développement de ces entreprises. En effet, les ETF réalisent des prestations qui s’inscrivent aussi bien dans le court terme pour la valorisation des bois exploités par exemple, que dans le long terme pour la plantation ou les travaux forestiers. Ils peuvent devenir des partenaires. Ce dossier est l’occasion de faire le point sur la réglementation autour du travail en forêt, et de partager les retours d’expérience de propriétaires.
Sur le terrain, des solutions émergent à l’échelle du territoire, où les ETF s’organisent : création d’associations pour être mieux représentées, mutualisation des compétences sur les chantiers, groupement d’achats, coordination pour la prévention incendie, formation de sauveteur secouriste du travail (SST), accompagnement pour les contractualisations pluriannuelles… Avec des salariés d’une moyenne d’âge de 37 ans, les entreprises de travaux forestiers ont aussi les moyens d’insuffler une dynamique de jeunesse pour la filière forêt-bois.
Autre défi et non des moindres, le manque de main d’œuvre au sein de la profession, qui se fait ressentir de manière inquiétante. Manque de reconnaissance des métiers, mauvaise image du monde rural, isolement ou pénibilité… De manière unanime, c’est le manque d’attractivité de ces métiers manuels ou mécanisés qu’il faut pallier, en particulier auprès des jeunes. Avec l’enjeu climatique qui s’annonce, les profils recherchés vont demander de plus en plus de technicité.
Or, les ETF peuvent apporter leur pierre à l’édifice pour accompagner la transition écologique, en proposant des métiers qui ont du sens, et en contribuant à la vitalité des territoires. La mécanisation et le développement de compétences annexes ont déjà commencé à faire évoluer la profession. Du soutien à la formation, au travail de pédagogie auprès du grand public, les initiatives ne manquent pas pour régénérer l’image du « forestier » au sens large.
Violaine Grimprel (Forêts de France)