Alors que PEFC France révise ses règles de gestion durable des forêts, la certification s’oriente vers un durcissement des contraintes. En sera-t-elle pour autant plus attractive ? Tribune d’Alain de Kernier, président de Fransylva Bretagne.
La certification PEFC, qui révise actuellement ses standards, s’éloigne progressivement de ses principaux clients, les forestiers.
Créé en 1999 par des forestiers convaincus de l’importance de la traçabilité du bois, l’organisation PEFC fêtera-t-elle dans la douleur son vingt-quatrième anniversaire ? Ses standards certes exigeants mais proches de la réalité du terrain lui avaient valu un grand succès en Europe, puis à l’international, jusqu’à dépasser 300 millions d’hectares certifiés dès 2016.
Mais, poussé par des ONG, peut-être inquiété, PEFC a commencé à se déconnecter du terrain dès 2017, ce qui entraîna une érosion des surfaces certifiées, passées de 8,2 millions à 8,1 millions d’hectares entre 2016 et 2022, pour respectivement 68 300, puis 78 750 propriétaires forestiers adhérents en France. Des ONG s’en réjouirent – WWF et Greenpeace* avaient participé à la création d’une autre certification, FSC, à laquelle PEFC apportait une sérieuse concurrence.
Quelle plus-value pour le bois certifié ?
Tous les cinq ans, revient la révision des standards qui sont imposés aux forestiers et aux industriels du bois pour bénéficier du label PEFC. Depuis 2017, avec le durcissement des contraintes et le recul des surfaces certifiées, les dirigeants de PEFC auraient dû mettre toute leur énergie à promouvoir la marque, en particulier en la publicisant plus énergiquement auprès des consommateurs, afin de mieux valoriser les produits certifiés, comme a su le faire l’agriculture biologique par exemple. Or, les études économiques ne permettent pas de démontrer un surplus significatif de rémunération pour les producteurs de bois certifiés.
Sans prix de vente plus élevé, les producteurs ne peuvent pas s’engager sur des standards qui compliquent leur gestion et renchérissent leurs coûts. Il paraît donc indispensable de surseoir à tout durcissement, tant que le problème de la plus-value de la certification n’est pas résolu.
Ce n’est malheureusement pas l’option retenue depuis 18 mois durant lesquels on a assisté à une course au mieux-disant écologique jusqu’à plagier les standards concurrents au prix d’une inflation administrative, d’un conservatisme contre (la) nature et d’une perte de différenciation. Un cas d’école de faillite annoncée assez classique pour des étudiants de première année en marketing !
La révision des standards PEFC en discussion
Voyons d’un peu plus en détail les standards en cours de discussion.
La coupe rase, qui est une récolte à maturité de tous les arbres d’une parcelle, deviendrait quasiment proscrite sauf s’il s’agit de résineux, cette exception ne tenant plus si quelques feuillus s’y trouvent. Y aurait-il des sous-arbres sans intérêt et des sur-arbres à conserver ? PEFC tord un peu plus la réalité en déclarant qu’une coupe rase d’arbres malades ne serait plus une coupe rase. Et, pour simplifier, une coupe de tous les arbres serait dite rase si une replantation est programmée, mais pas s’il y a des semis de régénération installés.
La transformation est une opération sylvicole consistant à récolter des arbres de peu de valeur ou dépérissant pour en planter d’autres mieux adaptés, notamment au changement climatique. Or, il est prévu de limiter ce mode d’adaptation vital et même de l’interdire dans les zones sous protection forte, c’est-à-dire sur les 10 % du territoire qui pourraient être gelés par la Stratégie nationale des aires protégées en cours de déploiement, alors que c’est là précisément où l’adaptation de la forêt est la plus nécessaire pour la sauvegarde de la biodiversité.
Les arbres plantés ne constitueraient plus une forêt selon la nouvelle définition de PEFC, mais une plantation. Et comme nous venons de voir qu’il deviendrait très difficile de transformer une forêt en plantation, elle deviendra bientôt, avec le changement climatique, un conservatoire dépérissant.
L’évolution sémantique est au service de nouvelles restrictions et interdictions qui ne sont étayées par aucune justification scientifique.
Le projet de nouveaux standards introduit la nécessité d’une consultation des autres « parties prenantes » (voisins, mairie, associations locales ou naturalistes…) avant tout acte de gestion sylvicole. Si la communication est souvent utile, la consultation de personnes ne possédant pas les compétences requises ne manquera pas d’aboutir à des frustrations ou à des blocages.
Le chapitre le plus court, quelques lignes à peine, est celui qui concerne la production de bois. Ici, aucune nouvelle incitation, pas même de mention d’amélioration, alors que la forêt française est notoirement sous-exploitée et que la croissance et la récolte du bois sont nécessaires à la captation de CO2**, à l’adaptation au changement climatique et aussi à la construction de nos maisons.
Il faut embarquer tous les forestiers et les consommateurs
Pourtant, il faut sauver PEFC. D’abord pour éviter un monopole anglo-saxon de certification forestière. Ensuite pour contrôler les importations de bois, afin qu’elles ne contribuent pas à la déforestation à l’international.
Pour le bois d’origine française, le besoin de certification est moindre, puisque le cadre légal protège bien la pérennité de la forêt et sa gestion durable. Plus généralement, pour toutes les fonctions de la forêt, et surtout pour sa fonction environnementale, il serait préférable de développer la certification sur des bases raisonnables, proches du terrain, plutôt que de chercher à atteindre la perfection avec une « élite » ; il faut embarquer tous les forestiers, et les consommateurs surtout !
Il reste peu de temps et il faudra du courage pour redresser la barre, arrêter cette course mortifère et relancer la certification sur des bases mieux enracinées dans la réalité forestière.
La discussion sur la révision des normes PEFC est révélatrice d’une problématique plus large. Quelques industriels du bois, approuvant avec une certaine inconséquence des normes qui affectent gravement leurs fournisseurs, en particulier l’arrêt des coupes rases, sont-ils prêts à investir pour réaliser un gigantesque saut de productivité, afin de pouvoir acheter la matière première à un prix qui compense les surcoûts liés à l’inflation normative tout en restant compétitifs sur un marché mondialisé ? La forêt française change progressivement de main : la filière ne pourra plus acheter à bas prix à la veuve ou à l’orphelin ; elle devra demain négocier avec les gestionnaires avisés des fonds de pension, bons connaisseurs du commerce international, dans un rapport de force moins confortable.
Pour paraître vertueux selon les idéaux de l’époque, la France est-elle prête à couler sa filière bois comme elle l’a fait pour la volaille et plus récemment pour le sucre de betterave ? Marc Fesneau, notre ministre de tutelle, ne semble pas prêt à ce sacrifice. Le vent commencerait il à tourner ?
Alain de Kernier, président de Fransylva Bretagne
Autour du sujet :
• Un vote électronique inédit pour approuver les projets de standards PEFC
• Il faut sauver PEFC, tribune de Christophe Chauvin (FNE)
* Note de la rédaction : Greenpeace International a annoncé son retrait de FSC, en 2018.
** « Forêt et carbone », Forêt-entreprise n° 230 (paru en 2016), O. Gleizes, pp. 74-77.
Rapport d’inventaire Floréal 2022, MASA – Citepa.