Oubliée des traités européens, la forêt demeure une prérogative des États membres de l’Union européenne. Mais dans la réalité, de nombreuses décisions prises à Bruxelles, en matière d’environnement, d’agriculture ou de politique énergétique, ont un impact sur la gestion des forêts.
Le « pacte vert », annoncé en décembre 2019 pour amener l’Union européenne (UE) vers la neutralité carbone en 2050, aura d’inévitables incidences sur la conduite des 182 millions d’hectares boisés qui couvrent 43 % du territoire européen. Face aux groupes écologistes qui réclament plus de forêts de protection, les propriétaires forestiers sont aussi présents à Bruxelles pour défendre leurs positions. Ils sont représentés par la Confédération des propriétaires forestiers européens (CEPF) qui appelle à la cohérence des politiques européennes touchant à la forêt.
Dans son numéro de mai 2020, Forêts de France présente dans le détail cette « guerre » d’influence qui se joue à Bruxelles. Ce travail est important car l’Europe agit sur la forêt en légiférant sur l’environnement, l’énergie ou le développement durable. Natura 2000 en est un exemple concret. À travers une démarche environnementale, Bruxelles a instauré des contraintes de gestion dans de nombreuses forêts européennes.
« Pacte vert » et stratégie forestière
Alors que l’UE met en chantier sa future stratégie forestière, les pressions sont fortes pour aller vers plus de mesures environnementales. La précédente stratégie, qui prend fin en cette année 2020, mettait en avant la gestion durable et multifonctionnelle des forêts, en accord avec la vision de la CEPF. Celle-ci prône l’équilibre entre l’économie, l’environnement et les services sociétaux.
Le pacte vert ouvre une brèche en donnant plus d’importance au climat et à la biodiversité. Certains aimeraient, pour l’occasion, redéfinir la gestion durable des forêts. « Des ONG environnementales, telles que WWF ou Greenpeace, qui sont très puissantes à Bruxelles, demandent l’arrêt des coupes rases et de la monoculture », constate Luc Bouvarel, délégué par Fransylva comme membre expert du CEPF. Ces organisations considèrent que la gestion forestière durable est un vieux concept qui ne prend pas suffisamment en compte la biodiversité et le changement climatique, car il a été mis en place à une époque où produire du bois pour l’économie était la priorité. Des théories circulent, selon lesquelles la captation du carbone est plus efficace lorsque les arbres restent en forêt, ou le bois énergie est la pire des choses.
Propriétaires forestiers: parler d’une seule voix
Dans ce contexte, la propriété forestière européenne s’efforce de parler d’une seule voix et ce n’est pas toujours facile, poursuit Luc Bouvarel :
« La gestion forestière durable est très différente d’un pays à l’autre. La notion de plan simple de gestion n’a pas la même importance selon les pays et le développement de l’industrie de transformation. D’une manière générale, les pays nordiques qui possèdent une industrie aval très structurée avec une implication des propriétaires au travers de structures importantes et anciennes ont des positions réservées sur l’arrivée de l’Europe. »
Fransylva, pour sa part, défend la place cruciale du document de gestion durable individuel et plus encore concerté, qui permet au propriétaire de conserver sa liberté de choix.
Pour éviter un virage radical vers une forêt où la biodiversité prévaut sur les autres fonctions, les propriétaires français ont bien l’intention de montrer aux décideurs politiques européens qu’ils intègrent déjà cette dimension dans leur gestion au quotidien.
Pascal Charoy (Forêts de France)