Dans son dossier de juillet-août 2021, Forêts de France fait le point sur le risque incendie. Si les surfaces touchées ont globalement tendance à se résorber, grâce à la mobilisation des forestiers et des pouvoirs publics, les dernières saisons de feux font craindre une relance du risque. L’urgence climatique sur les espaces naturels invite à reconsidérer nos politiques de prévision, de prévention et d’actions.
Sur les 17 millions d’hectares de forêts en France métropolitaine, un tiers est classé sensible au risque incendie. Le Code forestier le précise : les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d’Azur, et les départements de l’Ardèche et de la Drôme (Auvergne-Rhône-Alpes), représentent la zone « rouge ». Pourtant, les efforts conjoints des forestiers et des pouvoirs publics ont permis de diviser la surface incendiée par deux entre les années 1990-2010 et les années 2010-2019. Pour la seule zone méditerranéenne, la moyenne annuelle des surfaces brûlées est passée d’environ 32 000 hectares à environ 16 000 hectares.
À titre de comparaison avec nos voisins du sud de l’Europe, la part de surface forestière brûlée en France entre 2008 et 2018 n’a ainsi représenté « que » 0,05 % de la surface de forêts nationale (source Effis, Eurostat), avec une cinquantaine d’incendies majeurs (de plus de 25 hectares). Au Portugal, en 10 ans, les feux de forêt ont détruit 3,5 % de la surface forestière totale. En Espagne, les feux de forêt ont touché 0,33 % du couvert.
Le risque incendie progresse vers le nord
Depuis quelques années cependant, cette maîtrise se fragilise, et nous invite à ne pas baisser la garde. En 2016, 2017 et 2019, les saisons des feux ont été plus intenses. Les incendies se sont étendus à d’autres régions, et à d’autres temporalités. En 2010, une étude conjointe de Météo-France, de l’ONF et de l’IGN, estimait qu’en 2040, 6,4 millions d’hectares, principalement situés dans l’ouest et le centre-ouest du pays*, seraient soumis au risque d’incendie, soit près d’un million d’hectares supplémentaires par rapport à 2008. Entre 2050 et 2070, ce seraient même les trois quarts du pays qui seraient soumis au risque.
Aujourd’hui, deux régions aux habitudes de gestion différentes concentrent la plupart des sinistres. La zone méditerranéenne conjugue les difficultés : ses étés secs et chauds sont amplifiés par le bouleversement climatique, ses sols pauvres et l’éparpillement des propriétaires n’encouragent pas une sylviculture dynamique. La défense de ces espaces forestiers contre l’incendie y est plutôt assurée par les pouvoirs publics. Au sud-ouest, malgré des conditions climatiques presque tout aussi défavorables, la région s’est orientée vers une sylviculture productive qui a engagé les forestiers dans une prise en compte active de la défense du patrimoine forestier contre le feu.
Vers une « méditerranéisation » de certains territoires ?
Demain, les forestiers d’autres territoires, pour l’instant observateurs, devront appréhender ce risque. Si le changement climatique peut aggraver les conditions climatiques de la moitié sud et en accentuer l’aridité, il pourrait aussi conduire à une « méditerranéisation » des territoires voisins, soit une alternance entre inondations et sécheresses sur des périodes très courtes.
Pire, le dérèglement climatique occasionne en forêt un cercle vicieux, les massifs forestiers du quart nord-est, accablés par la sécheresse, puis décimés par les attaques de scolytes, sont également plus sensibles au risque incendie. L’urbanisation constante de certains territoires aggrave le risque en faisant disparaître les zones tampons.
Les forestiers peuvent cependant compter sur le soutien de nombreux partenaires, au vu de l’importance de l’enjeu : le risque incendie menace les humains et les habitations, représente un danger économique pour les forêts, mais aussi un péril écologique. Le feu est synonyme de perte de biodiversité, de destruction d’écosystèmes, de rejet de CO2 et de particules fines. L’incendie de forêt cause aussi des dommages aux sols en modifiant leur capacité d’infiltration.
Blandine Even (Forêts de France)
* Source : mission IGA-CGEDD/CGAAER sur les conséquences du changement climatique dans les décennies à venir (2030-2050) sur l’aléa feux de forêts, 2010.