Ligne de tri de la scierie Fruytier en Bourgogne (crédit photo: Pascal Charoy)
Ligne de tri de la scierie Fruytier en Bourgogne (crédit photo: Pascal Charoy)

La scierie française a engagé sa mue

 

Dans son numéro d’avril 2022, Forêts de France s’intéresse à la première transformation du bois. Le paysage des scieries a considérablement évolué en 50 ans. Majoritaires en nombre mais de taille modeste, les scieries de feuillus ont fait de gros efforts de modernisation pour alimenter des marchés variés et dynamiques à l’export. Et le tissu de scieries industrielles est dominé par de grosses entreprises de plus en plus productives, innovantes et orientées vers les marchés de la construction.

À la faveur de la reprise de l’économie mondiale en 2021, les entreprises de la première transformation ont travaillé au-delà de leur capacité, aussi bien dans le feuillu que dans le résineux. Elles ont produit plus pour compenser le chamboulement des marchés internationaux. L’Allemagne a été contrainte de réduire ses exportations vers la France pour fournir au marché américain en situation de pénurie. Les petites unités ont aussi mieux travaillé pour alimenter en direct des consommateurs pressés de rénover leur habitat.

En 2021, la France pourrait donc avoir largement dépassé la barre des 8 millions de m3 de sciages, mais tout en demeurant éloignée des 10 millions de m3 de sciages qu’elle produisait annuellement il y a 20 ans. Cette production a commencé à fléchir après 2007 sous l’impact de la crise financière qui a frappé le monde. Incapables de se moderniser ou de trouver un repreneur, de nombreuses scieries, petites et moyennes, ont fermé leurs portes.

« Le secteur a perdu 500 entreprises dans la décennie 2010-2020, soit près de 50 par an », souligne Maurice Chalayer, le président de l’Observatoire du métier de la scierie (l’hémorragie a été encore plus forte entre 1970 et 1980 : on est passé de 7 000 à 5 000 scieries). La filière n’a pas compensé ce « manque à produire », et en 15 ans, 2 millions de m3 de sciages annuels se sont volatilisés, accentuant le déficit national de sciages résineux. Chaque année, la France est obligée d’importer d’Allemagne, de Finlande, de Suède, 2 millions de m3 de sciages résineux pour alimenter les marchés nationaux.

Des process pour les feuillus et les résineux

Demain, la scierie française sera-t-elle en mesure de satisfaire les besoins intérieurs ? Encouragée par les pouvoirs publics, cette industrie investit dans ce sens, pour gagner en valeur ajoutée. Les scieries de feuillus développent des process de seconde transformation pour valoriser des bois de qualité secondaire et améliorer la durabilité de leurs produits, en particulier pour les usages d’extérieur.

Chez les résineux, il existe de belles marges de progression dans la fabrication de produits techniques dédiés à la construction. En 2015, la France consommait 1,6 millions de m3 de sciages rabotés et la part de bois français ne représentait que 43 %. Idem pour les produits collés : les scieries françaises n’en fournissaient que 38 %*.

Une scierie d’aujourd’hui se doit de maîtriser le séchage, le rabotage et l’aboutage, c’est-à-dire le collage de pièces dans la longueur. Cette technique qui permet de faire, avec des bois de qualité inégale, de grandes longueurs est adaptée aux bois français qui possèdent plus de nœuds que les bois du Nord. Une scierie qui maîtrise ces trois aspects peut ainsi produire des barres de 12 mètres pour les marchés de l’ossature.

Du potentiel de récolte de bois en petite forêt privée

La ressource peut-elle être considérée comme un frein au développement des scieries françaises ? Pour retrouver les niveaux de sciage de 2002, il faudrait mobiliser 4 millions de m3 de bois d’œuvre en plus. Toutes les études disent que le plus grand potentiel de récolte additionnelle se situe en forêt privée dans les propriétés inférieures à 25 hectares. Pour les résineux, l’accroissement des volumes de sciage passera par la valorisation des gros et très gros bois. Ces produits ne sont certes pas adaptés aux canters** des scieries modernes, consommateurs de bois moyens, mais les principales usines françaises ont conservé les scies à ruban qui permettent de traiter des diamètres supérieurs à 60 cm.

Pascal Charoy (Forêts de France)

* Source : Synthèse sciages et produits techniques 2016 (FNB). Observatoire économique de France Bois Forêt-FNB-LCB.

** Le canter transforme directement les flancs du billon en plaquettes et débite celui-ci au moyen de scies circulaires.



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