Que faire si un foyer de nématode du pin venait à se déclarer en forêt ? L’Anses émet ses préconisations pour le transport, le stockage et le traitement des bois et des écorces.
« Ces dernières années, le risque de contamination des forêts françaises par le nématode du pin a augmenté, notamment en raison d’une demande accrue de copeaux de bois et d'écorces et de la circulation à travers l’Europe de volumes très importants de tels produits contaminés provenant du Portugal et d’Espagne. »
Telle est l’alerte lancée par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui a publié, début 2020, un rapport d’expertise sur le sujet, à la demande de la direction générale de l’Alimentation (DGAL). Ses recommandations s’inscrivent dans le cas où la présence du parasite venait à se révéler en milieu forestier.
La forêt landaise (Nouvelle-Aquitaine) paraît vulnérable, alors que l’insecte vecteur du parasite y est présent, note l’agence.
Coupe rase et protocole d’hygiène
Une décision de la Commission européenne du 26 septembre 2012 détaille déjà certaines des mesures que doivent prendre les États membres pour prévenir la propagation du nématode du pin. Ainsi, en cas de détection du parasite en forêt, une coupe rase ou coupe à blanc s’impose dans un rayon minimal de 500 mètres autour de l’arbre contaminé. Cette distance se réduit à 100 mètres, en cas de « conséquences sociales ou environnementales inacceptables ». En plus de règles à suivre au moment de l’exploitation forestière, ainsi qu’en pépinières et jardineries, il incombe aux États membres de prévoir un protocole d’hygiène, visant à sécuriser le transport et la transformation des bois concernés.
Des essences plus sensibles que d’autres
Dans un avis daté de juillet 2019, l’Anses a listé les essences sur lesquelles le nématode du pin est en mesure de se multiplier : pin maritime, pin sylvestre, pin noir, pin radiata, probablement pin d’Alep et pin taeda. L’agence recommande d’« éliminer » ces essences forestières en cas de détection d’un foyer de nématode du pin. Selon l’Anses, « actuellement, il n’existe pas d’espèce de pin implantée en Europe qui soit résistante au nématode du pin. Ainsi, la plantation de jeunes plants de pins sensibles en forêt, notamment de pin maritime, augmente le risque d’établissement du nématode en France. »
En forêt, prévenir la contamination d’arbre en arbre
En cas de présence avérée de ce pathogène en forêt, le risque existe d’une dissémination. En effet, le nématode du pin (Bursaphelenchus xylophilus), ce ver microscopique, se propage d’arbre en arbre par l’intermédiaire d’un coléoptère, l’insecte vecteur Monochamus galloprovincialis. D’où une batterie de mesures préconisées par l’Anses pour la gestion des bois et écorces.
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Durant la période de vol des insectes vecteurs adultes, du 1er avril au 31 octobre
Les broyats et les plaquettes de dimension inférieure à 3 x 3 x 3 cm peuvent rester sur place, car ils sont considérés comme exempts de Monochamus galloprovincialis.
Les plaquettes destinés à être commercialisées n’ont besoin d’un traitement phytosanitaire en forêt que si elles font l’objet d’un stockage pendant plus de 48 heures. Idem pour les autres produits forestiers qui ne sont ni broyés ni déchiquetés. Le transport du bois, son stockage hors forêt et sa transformation doivent ensuite recevoir des mesures de protection.
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En dehors de la période de vol, du 1er novembre au 31 mars
Il n’y a pas lieu d’effectuer un traitement en forêt. L’application de produits phytosanitaires ne s’avère nécessaire que lorsque le stockage des produits et sous-produits (rémanents…) de l’exploitation forestière perdure au-delà de la saison hivernale.
En présence du genre Monochamus, insecte pyrophile, le brûlage des rémanents d’exploitation du pin est à proscrire.
Traitements curatifs : un éventail réduit
L’Anses répertorie plusieurs mesures phytosanitaires existantes, visant à stopper le cycle du coléoptère, lors de ses phases d’attraction, de ponte et de vol.
En France, il existe un seul traitement chimique autorisé pour contrer les insectes xylophages et sous-corticaux dans les bois coupés. C’est le Forester (cyperméthrine) produit par la société Arysta Lifesciences Benelux. « Toutefois, aucune référence ne précise son efficacité vis-à-vis de M. galloprovincialis », prévient l’agence.
Au Portugal, des filets Storanet de la société BASF, imprégnés d’insecticide (formulation d’alpha-cyperméthrine), ont montré leur efficacité pour sécuriser le stockage et le transport de bois. Mais, ils ne disposent pas d’autorisation en France.
La fumigation au fluorure de sulfuryle, du fait de contraintes multiples de mise en œuvre, est une solution écartée par l’Anses.
L’écorçage, méthode utilisée pour lutter par exemple contre les scolytes, peut donner un coup d’arrêt à la ponte du coléoptère véhiculant le nématode. Mais, le bois reste alors attractif pour cet insecte et il est susceptible de contenir des larves ou nymphes.
Le traitement thermique du bois permet de lutter à la fois contre le nématode et son insecte vecteur. Mais, cette méthode expérimentale paraît « peu applicable en forêt du fait de l’inexistence actuelle de moyens techniques adaptés et de l’importance des volumes à traiter », analyse l’Anses.
Enfin, l’aspersion d’eau, lors du stockage hors forêt, protège les piles de grumes des insectes xylophages. Or, là aussi, sa pertinence reste à prouver face au vecteur du nématode du pin.
Au final, des recherches scientifiques, voire des développements technologiques, restent nécessaires, en vue de prémunir les bois et les forêts contre le nématode du pin, en particulier lors du stockage et du transport des matériaux.
C. C./Forestopic