Extrait de la première de couverture du livre Penser forêt
Extrait de la première de couverture du livre Penser forêt

Penser forêt. Un appel pour un réveil politique et citoyen

 

À l’occasion de la parution de l’ouvrage Penser forêt, les deux co-auteurs, Daniel Perron et Gilles Van Peteghem, invitent à un sursaut pour revoir la place de la forêt dans la société et dans les politiques publiques françaises.

On se souvient de cette phrase du vicomte de Martignac, prononcée le 26 décembre 1826, qu’étant l’un des premiers intérêts des sociétés, la protection des forêts est « l’un des premiers devoirs des gouvernements ». Deux siècles plus tard, la sentence demeure tout aussi pertinente. Confrontées d’une part à la prédation d’une économie reposant sur la déforestation, et d’autre part aux effets de l’effondrement biologique et du réchauffement climatique, les forêts sont en danger partout dans le monde.

Les défis forestiers sont devant nous

En France, les dernières données de l’inventaire forestier national ne font que prolonger les longs messages d’alertes des professionnels sur la fragilisation des forêts malgré l’augmentation de leur surface globale. Sécheresses répétées, événements météorologiques violents, attaques sanitaires... se conjuguent pour attenter à la santé des forêts. Ces données indiquent que nous enregistrons ainsi 80 % de hausse de la mortalité des arbres en forêt ces dix dernières années. C’est le signe de déséquilibres qu’il faut enrayer. Nous devons donc adapter à la fois nos moyens de lutte contre les attaques sanitaires et nos essences forestières elles-mêmes sur des terrains climatiques qui évoluent à une vitesse inédite. Désormais, la régénération naturelle des forêts ne suffit plus.

À cet égard, le livre Penser forêt vient faire le point et donner des pistes pour agir enfin et ne plus se contenter de regarder passivement les dégradations.

Pourquoi ? Parce que les défis forestiers sont devant nous. Ils nous imposent de penser autrement à la fois les forêts et les politiques publiques qui leurs sont dédiées, largement responsables d’un atermoiement désormais dangereux. « Penser forêt », c’est admettre que nous avons besoin d’un débat réellement démocratique qui dépasse l’opposition trop souvent stérile et violente entre des idéologies qui s’affrontent sans vraiment se parler. Agir, désormais, c’est d’abord évidemment remettre en cause une forme de cécité qui a permis encore d’affirmer dans le programme national de la forêt et du bois (PNFB 2016-2026) qu’il fallait adapter la forêt à l’industrie là où la plus petite lucidité aurait dût amener  les décideurs politiques à voir que nous ne maîtrisons plus la nature face au changement climatique. C’est aussi admettre qu’il nous faut retrouver des politiques du temps long à l’égard de nos investissements économiques et des emplois de la filière forêt-bois, publics comme privés, sur des territoires ruraux par ailleurs souvent abandonnés de l’industrie. Encourager la relocalisation, le « produire local ».

La forêt ne cessera d’être multifonctionnelle. Espace écologique fondamental à la survie de l’humanité, elle ne cessera pas d’être un espace économique qui compte pour nos territoires, un espace social et sociétal dont il nous faut faire vivre les multiples facettes en garantissant sa pérennité. Dans une société adepte du « présentisme » et focalisée sur la vitesse, revenir à la forêt, c’est accepter le temps long, les leçons de l’histoire, et projeter un récit d’avenir : celui qui manque désespérément.

Pas d’avenir sans forêt

Chacun le sait, il n’y a pas d’avenir sans forêt. Il nous faut donc, pour l’humanité, construire un nouveau récit politique fédérateur ancré dans le réel et fondateur d’une espérance pour les générations futures. Pour cela, les politiques doivent quitter les oripeaux d’une pensée strictement comptable pour s’intéresser au réel, préférer le territoire à la carte, entendre ceux qui, sur le terrain, disent ce qu’ils voient… Il nous faut concilier les contradictions et former la jeunesse à ces enjeux.

Les pistes sont connues. Il faut des moyens durables. La note d’analyse de France Stratégie Vers une planification de la filière forêt-bois, datée de juillet 2023, chiffre les besoins de financement à 3,4 milliards d’euros annuels à partir de 2030 pour atteindre 6 milliards en 2050. On en est encore loin, malgré les efforts du projet de budget pour 2024. Mais les moyens ne suffiront pas sans une vision claire. Et nous savons que chez nous, tout passe aussi par le symbole politique. L’absence de ministère de la Forêt est de ce point de vue préjudiciable. Elle perpétue au ministère de l’Agriculture – où les services forestiers ne sont que partie congrue – ce tropisme de l’urgence agricole qui domine et qui avait conduit Edgard Pisani à créer l’Office national des forêts (ONF) pour échapper notamment au débat budgétaire annuel qui, immanquablement, reléguait les besoins de la forêt au second plan. Un ministère, c’est une reconnaissance, une plateforme de volontés, un symbole d’investissement intellectuel et financier. C’est aussi un lieu de neutralité entre des parties qui ne s’entendent pas pour dégager l’intérêt général. Et celui-ci est simple : il faut en finir avec l’économie fossile et les modèles de développement fondés sur l’émission de CO₂.

Penser forêt est ainsi un appel à placer la forêt dans les priorités politiques au nom du bien commun qu’elle représente et fait vivre. Pour s’en convaincre, envisageons le pire : qu’adviendrait-il si nos forêts disparaissaient ?

Daniel Perron, juriste et historien du droit, expert à l’UICN
et Gilles Van Peteghem, ingénieur forestier, expert à l’UICN

UICN : Union internationale pour la conservation de la nature.


Pour aller plus loin :
Penser forêt. Agir contre l’anthropocène, par Daniel Perron et Gilles Van Peteghem, Éditions de l’Aube, octobre 2023, 200 pages, 20 euros TTC.



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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