L’agrément de Canopée attaqué en justice. Les enjeux d’une bataille qui s’ouvre

Le tribunal administratif de Paris est saisi (crédit photo CC0)
Le tribunal administratif de Paris est saisi (crédit photo CC0)
L’agrément de Canopée attaqué en justice. Les enjeux d’une bataille qui s’ouvre

Les professionnels de la forêt et du bois, sous la houlette de l’interprofession France Bois Forêt, contestent l’agrément accordé à Canopée en tant qu’association de protection de l’environnement (à quoi s’ajoute son « habilitation »).

 

L’interprofession France Bois Forêt (FBF) a déposé, début août, un recours auprès du tribunal administratif de Paris pour demander l’annulation de l’agrément octroyé, le 6 décembre 2023, à Canopée, en tant qu’association de protection de l’environnement. Sont donc visés Canopée, ainsi que le ministère de la Transition écologique, qui officialise cette reconnaissance des acteurs associatifs.

FBF est rejoint en cela par 12 organisations professionnelles*, d’après un document diffusé par Canopée (interrogé sur ce point, FBF n’a pas commenté).

Un agrément contesté…

Joint par Forestopic, France Bois Forêt juge ledit agrément contestable, en ces termes :

« Selon notre analyse, Canopée ne répond pas aux conditions cumulatives d’octroi de l’agrément fixées par l’article R141-2 du Code de l’environnement. Par ailleurs, cet agrément a été obtenu parce que les services du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ont dépassé les délais d’instruction du dossier et non parce que le ministère a considéré que les conditions de sa délivrance étaient remplies. »

Active contre les coupes rases, Canopée mène diverses opérations, telles que des manifestations, ainsi que du « plaidoyer » auprès de décideurs, pouvant s’incarner en évènements de type séminaire parlementaire.

… outre une habilitation pour siéger dans les instances

D’une durée de cinq ans, l’agrément obtenu est plus que symbolique. Ainsi adoubée par l’administration, l’association Canopée entend « agir plus facilement en justice » et se constituer partie civile.

Par ailleurs, Canopée a reçu, à compter du 15 juin 2024, une habilitation à participer aux débats qui se tiennent dans certaines instances consultatives, comme le Conseil supérieur de la forêt et du bois (CSFB) ou les commissions régionales de la forêt et du bois (listées dans un décret du 12 juillet 2011). Canopée espère ainsi siéger, en son nom, au CSFB.

« En quoi est-ce que cela pose problème que Canopée participe à des réunions et accède à la justice », interroge Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes de Canopée.

Or, les modes d’action de l’association, parfois assimilées à des attaques personnelles, des opérations « coups de poing » ou des provocations, ont pu heurter des professionnels de la forêt et du bois. Qui plus est dans un climat tendu, émaillé de dégradations de machines forestières ou de menaces de mort.

Plus d’indicateurs de biodiversité pour les forêts ?
« Grâce à cet agrément, Canopée a saisi le Conseil d’État pour exiger que les schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS), le principal outil d’encadrement de la gestion en forêt privée, intègrent des critères robustes sur la biodiversité ou l’atténuation du changement climatique », indique Canopée. Les SRGS s’accompagnent pourtant d’« annexes vertes » et d’une nouvelle prise en compte du changement climatique. C’est insuffisant, estime Sylvain Angerand : « La feuille de route sur l’adaptation de la forêt au changement climatique [présentée en 2020, NDLR] a écrit noir sur blanc qu’il faut intégrer des critères sur la biodiversité dans les documents de gestion. C’est aux SRGS de donner des consignes claires, pour que cet engagement se retrouve dans les plans simples de gestion. » Dans le texte, la feuille de route en question promeut des critères de préservation de services écosystémiques dans les documents encadrant la gestion forestière et dans les certifications forestières (PEFC, FSC).

Les adhérents dans la balance de la représentativité ?

Par le passé, France Bois Forêt a déjà noué un dialogue avec des ONG considérées comme représentatives, mais sans que Canopée y figure. L’association revendique 300 000 sympathisants, dont 3 868 « adhérents cotisants » à la fin 2023. Ses ressources proviennent à 43 % des contributions du public, aux côtés de celles de mécènes (fondations…), ou, de manière plus anecdotique, de la vente de vêtements à son effigie, pour un budget total de l’ordre de 650 000 euros, selon son rapport financier. Avant 2023, Canopée se passait des cotisations.

Sylvain Angerand précise : « Pour obtenir l’agrément, nous devons envoyer la liste de tous nos adhérents par département à la Dreal** qui instruit le dossier. Oui, il y a eu une erreur comptable, où des dons auraient pu être plutôt comptés comme des cotisations. Notre représentativité vient aussi des gens qui nous suivent. » Ses 3 868 adhérents correspondent ainsi au « nombre de personnes qui ont effectué au moins un don dans l’année, d’un minimum de cinq euros ». Et de prendre exemple sur Greenpeace qui propose au public une participation par des « dons » et non par des « cotisations ».

Canopée dénonce une « procédure bâillon » et embauche un directeur juridique, en plus de ses quatre avocats.

C. C./Forestopic

* Union de la coopération forestière française (UCFF), Fédération nationale du bois (FNB), Fédération nationale des syndicats de forestiers privés (Fransylva), Fédération nationale des entrepreneurs du territoire (FNEDT), Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR), Syndicat de l’emballage et de la logistique associée (Seila), Le Commerce du Bois, Syndicat national des pépiniéristes forestiers, Union française des industries des cartons, papiers et celluloses (Copacel), Union des industriels et constructeurs bois et biosourcés (UICB), Comité interprofessionnel du bois énergie, coopérative forestière Alliance Forêts Bois.

** Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

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