Amélioration génétique du pin maritime, résistance du douglas à la sécheresse, multiplication in vitro de ce résineux sont les thèmes des travaux lauréats du prix de la recherche forestière 2016 Plantons pour l’avenir-ForestInnov.
Assurer l’avenir du pin maritime et du douglas ! Autour ces enjeux, trois travaux de thèses viennent d’être primés par le fonds Plantons pour l’avenir, le 25 novembre 2016, lors du salon ForestInnov, près de Mâcon (Saône-et-Loire). Le pin maritime s’avère omniprésent dans le massif des Landes de Gascogne, tandis que le douglas constitue aujourd’hui la deuxième essence de reboisement en France.
Créer des variétés d’arbres plus vite
Le rythme de la forêt et des forestiers peut-il s’adapter à celui du changement climatique et des évolutions de la demande en bois ? La thèse FCBA-INRA de Marjorie Vidal, soutenue en avril 2016 à Bordeaux, étudie comment accélérer les créations variétales du pin maritime.
Résultat : grâce à la biologie moléculaire, le cycle de sélection du pin maritime pourrait se réduire à 12 ans, au lieu de 22 ans avec les stratégies classiques. Pour cela, la chercheuse fait appel à des marqueurs moléculaires, c’est-à-dire des fragments d’ADN répartis sur le génome et qui permettent de reconstituer l’empreinte génétique des individus. Cette nouvelle stratégie vise aussi à préserver la diversité génétique, au sein de la population d’amélioration, ainsi que des vergers à graines, producteurs de variétés améliorées.
Les marqueurs moléculaires aident à sélectionner les champions qui répondront aux besoins de l’industrie, par les caractéristiques de leur tronc (hauteur, diamètre, rectitude), tout en se montrant résistants aux maladies. De nouveaux critères sont susceptibles d’être utilisés à l’avenir, comme la densité du bois ou la résistance à la sécheresse. Cette méthode pourrait aussi s’appliquer à d’autres espèces forestières, tel le douglas.
Marjorie Vidal a mené ses travaux à l’institut FCBA, qui les a financés, et à l’unité « biodiversité, gènes et communautés » (Biogeco) de l’INRA. Cette thèse s’insère dans le programme d’amélioration génétique du pin maritime en Aquitaine, géré par le groupement d’intérêt scientifique « Pin maritime du futur » qui fête ses 20 ans.
Trouver le douglas le mieux adapté à la sécheresse
Les douglas plantés dans les forêts françaises s’accommoderont-ils du changement climatique ? Ces douglas verts proviennent, à l’origine, des deux États de Washington et Oregon (États-Unis d’Amérique). Et si des douglas provenant de Californie s’avéraient mieux adaptés aux climats plus chauds, voire plus secs, prédits pour la France par certains scénarios du GIEC* ?
Thibaud Chauvin, à l’INRA, réalise des mesures de résistance à la sécheresse sur 20 provenances de Californie – intérieure et côtière –, plantées depuis 25 ans dans le Gard et en Corse, dans le cadre de tests conçus par l’INRA et gérés par l’Office national des forêts (ONF). Le doctorant mène aussi des comparaisons avec les performances de douglas de Washington et d’Oregon.
Le douglas vert se montre plus ou moins vulnérable à la sécheresse en fonction de sa provenance et du site de plantation, d’après les premiers résultats. Les arbres originaires de Californie intérieure semblent s’en sortir mieux que les autres, mais cela reste à valider. Et Thibaud Chauvin de poser la question :
« Est-ce qu’il va falloir sélectionner des provenances différentes, selon l’environnement dans lequel on va planter ? »
Ces travaux de thèse reposent sur des financements pourvus notamment par AgroParisTech et la chaire d’excellence Sylvalim. Ils se poursuivent, en vue notamment d’interroger le lien éventuel entre la résistance à la sécheresse et la qualité du bois.
Multiplier le douglas in vitro
La culture in vitro des douglas par embryogenèse somatique permettrait de multiplier ces arbres en grande quantité. Et ce, à plus grande échelle qu’avec les méthodes actuelles, bouturage horticole ou greffage. Les graines obtenues pourraient améliorer et rajeunir les vergers à graine et les plantations.
Or, l’embryogenèse somatique n’est pas maîtrisée en France pour cette espèce d’arbre – à l’international, plusieurs compagnies privées la pratiquent à une échelle industrielle sur des résineux. Elle consiste à multiplier in vitro un embryon à l’identique. L’embryon est dit « somatique », car il n’est pas issu de structures reproductrices.
En troisième année de doctorat INRA-université de Limoges, Florian Gautier étudie la question dans le cadre d’une thèse financée par Sylvalim et dont la soutenance est prévue en octobre 2017. Son propos est d’étudier la faisabilité de l’embryogenèse somatique pour le douglas. Il a donc caractérisé les tissus qui se prêtent au clonage, à teneur en eau ou en sucre plus importantes, et avec des indicateurs génétiques précis.
Le clonage est une faculté naturelle au sein du règne végétal, « comme lors du greffage, du marcottage ou du drageonnage », rappelle Marie-Anne Lelu-Walter, directrice de recherches à l’INRA Orléans. Et d’ajouter :
« Il s’agit en quelque sorte de domestiquer ces processus naturels de multiplication. Avec le chêne, il est possible de faire subir un rajeunissement à une cellule de feuille pour qu’elle prenne un caractère d’embryon. Nous pouvons multiplier un chêne remarquable âgé de 100 ans. Chez le douglas, c’est la graine que nous sommes capables d’automultiplier à grande échelle. »
C’est la première édition de ce prix de la recherche forestière, dont Plantons pour l’avenir ne communique pas le montant. Le comité technique du fonds s’est tourné vers l’INRA et l’institut FCBA pour la sélection des candidats. Ceci afin de réunir des propositions portant sur l’adaptation des forêts au changement climatique, en lien avec la sélection génétique ou les itinéraires sylvicoles.
Chrystelle Carroy/Forestopic
* GIEC : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.