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Philippe Bolton est facteur de flûtes à bec en bois de buis, poirier ou cerisier. Il relate :
« Lors d’un stage sur l’acoustique que j’ai co-animé au conservatoire de Poitiers, un instrument en érable a été présenté. Toutes les personnes présentes ont pu constater que c’était un mauvais instrument. L’érable, poreux, peut comporter des microfuites ayant une incidence sur la colonne d’air. Nous avons ensuite empli l’instrument d’huile d’amande douce, puis ôté l’huile, avant d’y faire à nouveau circuler l’air. Le même instrument était devenu une merveille. On peut imaginer que l’huile remplit les pores et revient à rendre le bois moins poreux. »
Le bois et son grain plus ou moins fin
Ces constats font écho aux observations de Bernard Blanc. Ce facteur de cornemuses a testé, en lien avec un laboratoire d’acoustique musicale, quatre cornemuses identiques, ne différant que par leur bois, soit l’ébène, du Mozambique et du Gabon, le buis européen, le cormier. L’ingénieur forestier Jean-Marie Ballu en fait état dans son livre Bois de musique. La forêt berceau de l’harmonie (Éditions du Gerfaut, 2004). Il en conclut :
« Le timbre est donc bien sous l’influence du bois mais peut-être plus sous celle de la finesse de son grain que de sa densité, c’est-à-dire de l’état de surface interne de la perce. Il est d’ailleurs connu que la puissance sonore augmente par huilage ou trempage. »
Une description scientifique qui entre dans le détail
Alors que retenir ? Stéphane Vaiedelich, responsable du laboratoire du musée de la Musique, tient une explication :
« Les modèles scientifiques numériques acoustiques conventionnels ne prennent pas en compte les phénomènes de second ordre. Or, ceux-ci peuvent se révéler importants dans le chant d’un instrument de musique. Grâce à une description plus fine, nous sommes désormais en mesure d’entrer dans ces détails. Dans ce cadre, nous voyons apparaître l’influence du matériau. »
La porosité des bois est au centre des recherches menées par Henri Boutin au musée de la Musique, en partenariat avec l’équipe « lutheries acoustique musique » (LAM) de l’Institut Jean le Rond d’Alembert (Université Pierre et Marie Curie/CNRS), et avec des financements du programme Convergence@Sorbonne Universités/Idex. Une publication scientifique est en préparation. Le sujet doit être abordé à Barcelone, lors d’un colloque organisé du 7 au 9 septembre 2016 par Woodmusick – le programme Woodmusick, présidé par Sandie Le Conte, dédié aux instruments de musique en bois, entre dans le cadre de la coopération européenne sur la science et la technologie (COST).
Les chercheurs ont étudié différentes essences utilisées pour fabriquer des instruments à vent, ainsi que l’ébène qui est désormais une espèce protégée. Comme sources d’information, ils disposent de plusieurs siècles d’histoire grâce aux collections du musée la Musique. De plus, ils font intervenir des facteurs – dont Bruno Salenson et Philippe Bolton.
De la porosité du bois
Stéphane Vaiedelich nous livre de premiers éléments :
« Les différentes essences présentent leurs caractéristiques propres en termes de porosité, de perméabilité au passage de l’air. Nous avons mis en évidence de manière scientifique que des phénomènes de pertes, liés au matériau, permettent de comprendre certains gestes des facteurs au sein d’un paysage musical donné. Ainsi, comment expliquer que le bois soit enduit avec de l’huile. La porosité du matériau est aussi à étudier en fonction du couple instrument-instrumentiste. »
Le bois ne nous a peut-être pas encore dévoilé tous ses secrets. Et si ce matériau fait chanter les instruments à vent, il reste un paramètre, et non des moindres, le jeu du musicien.
Chrystelle Carroy/Forestopic
Mis à jour le 28 octobre 2016