Augmenter de 12 millions de mètres cubes les récoltes de bois, s’adapter au changement climatique, muscler l’exportation, sont quelques-uns des défis posés par le Programme national de la forêt et du bois 2016-2026.
Capter 12 millions de mètres cubes de bois supplémentaires à l’horizon 2026, c’est l’un des axes structurants tracés par le Programme national de la forêt et du bois 2016-2026 (PNFB), validé le 8 mars 2016 par le Conseil supérieur de la forêt et du bois (CSFB), instance consultative de la filière.
Cette augmentation des récoltes annuelles de bois reviendrait à taux de prélèvement de 65 % de l’accroissement biologique. La filière entend ainsi pallier la sous-exploitation des forêts françaises, qu’elles soient publiques et privées. Ce faisant, elle met en avant une forêt résiliente face au changement climatique, ressource pour une industrie qui doit gagner en compétitivité, tout en restant attentive aux attentes de la société. Avec cinq grands défis à relever dans les dix ans.
1. Armer la forêt face au changement climatique
Le changement climatique est susceptible de s’accompagner de risques accrus pour la forêt.
• Concernant le risque incendie, « il est impératif de maintenir les moyens actuellement dédiés à la politique d’extinction des feux naissants », note le PNFB.
• L’élaboration d’un plan national de gestion de crise tempête est annoncée.
• Face aux ravageurs (chenille processionnaire, scolytes des résineux, Phytophthoras…), le PNFB appelle à « sanctuariser » le dispositif de surveillance sanitaire de la forêt. Des placettes de recherche et développement, des observatoires régionaux, un suivi national standardisé doivent venir compléter la surveillance opérée par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN).
• Des travaux sont aussi à venir pour préserver le rôle des forêts dans la protection contre les avalanches et mouvements de terrain en montagne, et contre l’érosion en zones littorales.
La recherche et l’expérimentation sont mises à contribution, par l’observation, le suivi, la modélisation et par la création annoncée d’un pôle dédié aux ressources génétiques.
Il revient aussi à la sylviculture de s’adapter au changement climatique, « sans attendre ». Cela passe par l’introduction progressive d’essences ou de variétés, dans l’optique d’une forêt plus résiliente.
2. Protéger la biodiversité, valoriser les services écosystémiques
La biodiversité est au rendez-vous du PNFB. Le document met l’accent sur les inventaires et le suivi, la recherche, l’évaluation des pratiques sylvicoles destinées à préserver la biodiversité (laisser du bois mort en forêt, etc.).
Des travaux visent à approfondir les connaissances sur les services rendus par les écosystèmes forestiers. « Il est nécessaire d’évaluer précisément, massif par massif, l’ensemble de ces services », note le plan. Un futur recueil doit venir s’articuler avec le projet en cours « Évaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques » (Efese).
Par ailleurs, comme le rappelle le document, « la filière forêt-bois est l’un des piliers de la bioéconomie (matériaux, produits chimiques, énergie dérivée de ressources biologiques renouvelables...) ».
3. Réguler les populations de cerfs, chevreuil et sangliers
« La forte progression des populations d’ongulés (cerfs, chevreuils et sangliers) compromet dans de nombreuses régions le renouvellement des peuplements forestiers avec des conséquences négatives sur le plan économique et sur la biodiversité », constate le Programme national de la forêt et du bois.
Le PNFB envisage, à ce titre, une série de mesures pour renforcer le dialogue entre forestiers et chasseurs. Dans ce domaine, la sylviculture a aussi un rôle à jouer par des pratiques qui restent « à définir et à préconiser ».
4. Rendre la gestion des forêts plus efficace
Le plan appelle à favoriser le regroupement du foncier et à dépasser la frontière entre forêt publique et forêt privée. Il laisse entrevoir des « expérimentations de gestion et de mobilisation », comme déjà annoncé par le ministre Stéphane Le Foll.
Une plate-forme informatique, en projet, vise à proposer « des services de mise en relation ou de gestion des forêts ». Elle a aussi pour objet de rassembler des données économiques et cartographiques pour la forêt privée et communale.
La « rationalisation des documents de gestion » des forêts est au programme. Car l’hétérogénéité actuelle de ces documents, dans leur forme et leur contenu, est considérée comme un frein à la mutualisation.
5. Gagner en compétitivité industrielle
Le Programme national de la forêt et du bois « accompagne et complète » le contrat de filière du comité stratégique (CSF) bois, conclu en 2014 pour trois ans. Un objectif clé est de remédier à la faiblesse des exportations.
La valorisation des feuillus ressort comme une priorité de la politique forestière. Les feuillus ont beau composer les deux tiers de la forêt en métropole, ils ont encore à gagner en compétitivité face aux produits bois tropicaux importés ou à ceux issus de résineux.
La modernisation des outils de production est un autre chantier à engager. Il s’agit d’améliorer les performances économiques, autant que les conditions de travail.
De nouveaux outils sont en préparation. Citons une cartographie de la logistique d’approvisionnement, une cotation officielle des bois ronds, une base de données officielle sur les prix des travaux forestiers.
En complément, le plan prévoit une meilleure structuration de la filière, un renforcement de la formation, des actions de promotion du bois, ainsi qu’une diplomatie de la forêt et du bois à l’international.
Le programme forêt-bois vient en application de la loi sur l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014. Il doit encore faire l’objet d’un examen par l’Autorité environnementale, ainsi que d’une consultation du public. Il sera ensuite décliné dans les territoires à travers des plans régionaux.
Chrystelle Carroy/Forestopic