La part du bois dans le mobilier est de 40 % supérieure à ce que l’on pensait jusque-là, selon une récente étude. De plus, les industriels s’orientent vers un allongement de la durée de vie des meubles, ce qui reviendrait à y stocker plus longtemps le carbone du bois.
Jusqu’à présent, il était admis que les meubles mis sur le marché contenaient 60 % de bois, en tonnage. Ces chiffres, compilés par l’Ademe, proviennent de la filière dite à « responsabilité élargie des producteurs » (REP) des éléments d’ameublement, dédiée à la gestion de la fin de vie de ces produits (collecte, recyclage, valorisation énergétique…).
Une récente étude, réalisée par le cabinet de conseil EY pour le compte de l’union professionnelle L’Ameublement français, révise ces chiffres à la hausse. Avec une nuance, car elle se cantonne à la fabrication française, tandis que les données de la REP englobent l’ensemble du mobilier commercialisé dans le pays.
Ainsi, le bois représente 85 % du poids global des meubles ; il se répartit entre le panneau de bois (82 % du total) et le bois massif (3 %), d’après l’étude EY. Ces chiffres correspondent à la part du bois dans les produits finis.
Décarbonation et réindustrialisation
Plus largement, l’étude radiographie le tissu économique et esquisse un projet sectoriel. L’ameublement made in France représente 60 000 emplois directs au sein de 19 000 entreprises, implantées dans les territoires ruraux et périurbains, pour 11,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires direct et 3,6 milliards d’euros de valeur ajoutée directe*.
Un défi demeure, le déficit commercial de la filière bois. Le meuble en est l’un des principaux contributeurs, après avoir subi des vagues de désindustrialisation. Plus de la moitié des meubles achetés en France sont importés, avec un impact négatif sur le bilan carbone. En regard, les entreprises tricolores réalisent 15 % de leur chiffre d’affaires à l’export.
La décarbonation et la réindustrialisation constituent les deux objectifs phares que s’assigne le secteur de l’ameublement. Cela peut passer, d’une part, par le recours accru aux matériaux recyclés, biosourcés, locaux, aux énergies renouvelables lors de la production, à la fabrication de meubles plus légers et, d’autre part, par la conquête de marchés internationaux, par l’usine 4.0 avec ses machines reliées au numérique, à la conception assistée par ordinateur (CAO), de plus en plus à même de créer des pièces personnalisées.
Dans ce paysage, la traçabilité du bois et l’approvisionnement en bois provenant de forêts certifiées pour leur gestion durable (PEFC, FSC) ressortent comme une voie pour « limiter les impacts sur la biodiversité ». En outre, les panneaux à base de bois contiennent déjà près de 40 % de recyclé.
Avec le « design d’usage », de nouveaux services à développer
Les scénarios proposés se tournent, de plus, vers le « design d’usage » et l'économie de la fonctionnalité qui met l’accent sur le prêt ou la location, plutôt que sur la possession des produits. C’est un changement radical de modèle économique qui est suggéré aux chefs d’entreprise. Cela implique des efforts d’écoconception, l’allongement de la durée de vie des meubles, le développement de services de proximité non délocalisables, notamment pour la réparation, avec la structuration du marché de la seconde main.
Cathy Dufour, déléguée générale de L’Ameublement français, assume le paradoxe :
« Notre enjeu va être de produire moins de meubles, avec une création de valeur différente et une démarche servicielle. »
L’écoconception ne renferme pas seulement un enjeu environnemental, poursuit Cathy Dufour :
« C’est utiliser moins de ressources à l’origine, c’est permettre à un produit d’être réparé, d’être au goût du jour d’un point de vue stylistique. »
Jean-Michel Servant, président de l’interprofession France Bois Forêt (FBF), complète :
« Prolonger la vie des meubles permet au carbone biogénique stocké dans le bois d’y rester le plus longtemps possible. »
C’'est une stratégie qui doit encore prendre corps et qui, espèrent les professionnels, contribuera à la neutralité carbone d’ici à 2050. Pour y parvenir, la fédération du meuble a commencé par mettre en place, à l’attention de ses adhérents, des formations en responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
C. C./Forestopic
* L’étude comptabilise les entreprises de l’ameublement, qu’elles soient ou non enregistrées dans cette activité (codes NACE de la division 31). Elle s’appuie sur un périmètre différent de la « veille économique mutualisée », laquelle se focalise uniquement sur le mobilier dans lequel le bois est majoritaire.