Créer une scierie au pied de la plus grande chaufferie bois de France aiderait à ce que le bois d’œuvre aille en bois d’œuvre et le bois énergie en bois énergie. Avec des enjeux d’écologie industrielle.
Uniper s’est mis en quête d’un porteur de projet qui soit à même d’installer une scierie à Gardanne en Provence-Alpes-Côté d’Azur (PACA). L’énergéticien allemand entend mettre à disposition un terrain d’environ 3 hectares attenant à sa centrale énergétique, laquelle renferme la plus grande chaufferie bois de France.
L’initiative part d’un constat, comme l’indique Gilles Martinez, ingénieur forestier pour Uniper :
« Quelque 10 à 20 % des bois ronds que nous recevons relèvent de la qualité des sciages. En l’absence de débouché, nos fournisseurs ne prennent pas la peine de trier les bois. »
La future scierie permettrait donc de valoriser le bois d’œuvre en tant que matériau, plutôt que de le broyer pour en faire du bois énergie, de moindre valeur. Ce faisant, des synergies sont susceptibles de prendre corps.
En PACA, une forêt « largement sous-exploitée »
Sur 1,5 million d’hectares, la forêt de Provence-Alpes-Côte d’Azur est « largement sous-exploitée », selon le profil environnemental régional, publié en 2015 par les services de l’État (Dreal). La récolte de bois représente moins de 20 % de l’accroissement annuel de la forêt. Les trois quarts du bois sur pied se classent dans la catégorie « plutôt difficile à exploiter », d’après un mémento d’Agreste. Selon la même source, le prélèvement s’élève à près 725 000 m3 en 2014, dont environ 146 000 m3 de bois d’œuvre, 283 300 m3 de bois énergie et 295 500 m3 de bois de trituration – le territoire accueille la papeterie de Tarascon (Fibre Excellence). La région compte, en 2014, une centaine d’entreprises d’exploitation forestière et 39 scieries.
Une scierie à 50 000 m3 par an
La capacité visée pour la future scierie se monte à 50 000 m3 par an de bois entrant, précise Gilles Martinez :
« Avec 150 000 m3 de grumes à bois d’œuvre récoltées en PACA, les deux tiers sont sciés dans la région et un tiers part en dehors de la région en vue d’être transformé, que ce soit en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Italie. Il s’agirait de capter ces 50 000 m3. »
Plan d’approvisionnement et étude d’impact
Sur 850 000 tonnes annuelles de biomasse que peut consommer le site d’Uniper, les forêts méditerranéennes en fournissent 20 % en 2017, sous la forme de plaquettes et de bois ronds – avec, à l’étude, un plan d’approvisionnement à 100 % local en 2027, constitué de bois forestier, de plaquettes de recyclage et de déchets verts, ce qui mettrait fin à l’importation de bois.
Si le tribunal administratif de Marseille a annulé, le 8 juin 2017, l’arrêté préfectoral autorisant Uniper à exploiter la centrale, celle-ci est en phase de lancement opérationnel et n’a pas interrompu ses activités. Car dans la foulée, le préfet a émis un arrêté autorisant son exploitation provisoire, le temps qu’Uniper revoie, dans les 9 mois, son étude d’impact environnemental et dépose à nouveau une demande d’autorisation.
Des synergies entre scieur et énergéticien
Si Gardanne accueille une scierie, à chacun son approvisionnement. Les bois de valeur, les feuillus précieux, vont à la scierie. Les produits connexes du sciage contribuent à approvisionner la centrale thermique en combustible. Les deux acteurs, scieur et énergéticien, pourraient de manière conjointe se rendre sur des chantiers d’exploitation forestière, conduire en commun l’achat du bois et son transport dans un même camion en vue de l’acheminer sur le même site de Gardanne. Gilles Martinez imagine encore d’autres optimisations de logistique :
« Un camion pourrait nous livrer le bois à l’aller et repartir plein avec du bois scié. »
Avec une spécificité propre à l’arc méditerranéen, selon l’ingénieur forestier :
« Les essences méditerranéennes connaissent des rendements moindres que des billons d’épicéa ou de sapin des Vosges. Il en résulte une proportion de connexes plus importante, de l’ordre de 50 à 60 %. »
Les synergies possibles relèvent aussi du domaine énergétique. La chaleur fatale de la centrale à biomasse peut être valorisée pour alimenter le séchoir d’un scieur.
Travaux de normalisation pour le pin d’Alep
Le projet joue sur un nouveau débouché, massifié, pour les propriétaires forestiers, sur une complémentarité entre scierie et chaufferie, et sur un marché à créer pour le bois local.
Dans son parc à bois, Uniper reçoit en majorité des résineux – pin maritime, pin sylvestre, mélèze, pin noir ou encore pin d’Alep. En parallèle, les travaux collectifs visant l’utilisation du pin d’Alep en construction avancent. La norme NF B52-001, sur le classement visuel des bois destinés à un usage en structure, est sur le point d’intégrer cette essence, entre autres amendements.
Sélection à venir du porteur de projet
Qui pourrait créer une scierie sur place ? Les dossiers de trois candidats sont en phase d’audit, entre les mains d’un bureau d’études missionné par Uniper. D’autres prétendants sont susceptibles de se faire connaître.
Au titre de cette initiative, l’énergéticien se veut un facilitateur, en vue d’une sélection du porteur de projet d’ici à la fin 2017 suivie, fin 2018 ou début 2019, du lancement de la construction de l’installation. Décriée pour son gigantisme, la centrale de Gardanne trouverait ainsi une voie pour redorer son blason auprès de l’opinion, tout en participant à une structuration de la filière bois.
Chrystelle Carroy/Forestopic
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